Des Chrétiens et des Maures.

« Don’t judge a book by it’s cover. »

C’est la réfléxion que je me suis faite en refermant ce livre, recevant par la même une douce claque quant à l’ampleur globale du sens de cette citation, mais également par rapport au propos référéncé et déroulement étonnant du récit, faisant de cette lecture une expérience plutôt incroyable.

Ecrit par Daniel Pennac, ce livre fait partie de la saga Malaussène, comptant sept livres dont la publication s’étend de 1985 à 1999. Il est également l’auteur de romans, livres jeunesse, pièce de théâtre, a participé aux « Nouvelles Aventures de Lucky Lucke » ainsi qu’au film « Erneste et Célestine » et a vu plusieurs de ses oeuvres adaptées sur les planches mais aussi au grand et petit écran en y prenant part ou non. Enfin, il a crée trois albums pour enfants dont deux sont insiprés de tableaux de Miro (« La tour du Ciel ») et Monet (« Qu’est-ce que tu attends, Marie ? »).

Un auteur que j’ai donc découvert plutôt prolifique et touche à tout, qui offre ici une récit partant d’un constat très simple :

Un matin le Petit a décrété :
– Je veux mon papa.

Le Petit est l’avant dernier né de la famille Malaussène comptant pas moins de huit enfants de pères diffèrents à ce moment là. Il va de soi qu’en lisant le cinquième livre de la saga en premier, il n’est pas forcément évident de s’y retrouver au premier abord dans une telle abondance de personnages déjà établis, mais l’auteur fait en sorte à travers le développement de l’histoire de replacer le contexte de cette famille, avec les naissances, les histoires, les perosnnalités, …

Le point de vue qui nous révèle le dilmne du Petit est celui de Benjamin, fils ainé et figure paternelle. Il prends forcément à coeur la réflexion du Petit, particulièrement quand celui ci arrête complètement de se nourrir suite à cette déclaration. Au bout d’un jour et de multiples propositions de plats de toute sorte, la formulation du Petit change en :

– Je préférerais mon papa.

Bien que l’avant propos et le titre du premier chapitre y faisait déjà référence, ma réaction à ses mots fut la même que Benjamin. Ce conditionnel me fit fortement et forcément penser à Bartleby.
Bartleby est un personnage d’une nouvelle éponyme (« Bartleby, the Scrivener – A Story of Wall Street » – 1953) écrite par Herman Melville, auteur Américain (1819 – 1891) principalement connu à titre posthume pour « Moby Dick ».
Le propos de cette nouvelle est la confrontation d’un homme de loi de Wall Street à son employé engagé comme scribe. D’abord exemplaire, et bien qu’un brin introverti, il finit par refuser d’accomplir les tâches demandées d’un « I would prefer not to/Je préférerai n’en rien faire » posant en conséquence un réel dilemne d’un complexité rare.
Ayant découvert cette nouvelle lors de mes études d’Anglais, je l’ai trouvé particulièrement marquante de par l’atmosphère pesante qui s’y installe au fur et à mesure que la situation s’envenime au point de cotoyer le malsain. Qui plus est, la formulation choisie par Bartleby et sa récurrence rendent son employeur complètement démuni, puisque constituant plus un constat qu’un refus, au point qu’il ne lui demandera plus rien. Il y a une force indéniable dérrière ce conditionnel, une forme d’affirmation identitaire mais également d’abandon de soi dans le contexte de ses deux récits.

Fort de ce lien, Benjamin solicite l’aide d’un collégue de travail, Loussa, afin d’élucider ce traumatisme métaphorique, éventuellement retrouver le père, résoudre ce dilemne. C’est ainsi que commence l’intrigue du roman en décrivant et développant ce que je pense être un « nouveau » tournant dans la vie de la famille Malaussène.

Je me suis laissé porté tout au long de l’histoire qui s’est avéré passionante et surprenante. Autant dans le relationnel entre les frères et soeurs, leur originalité individuelle qui se traduit par des points de vue pertinents et reconnaissables, l’implication des habitants du quartier de Belleville, le point de vue de Benjamin qui s’avère très intéressant en complètement des interventions rapportés, les imbrications globales qui rajoutent à la tension tout en permettant de démontrer l’ingéniosité des personnages quant aux enjeux dramatiques. Le style est simple, proche de notre époque en étant suffisamment fantaisiste et imagé pour laisser rêveur et rendre l’oeuvre réaliste et poétique à la fois. Il y a du rythme, des rebondissements, des jeux mettant à mal les attentes du lecteur.

Ces quatre vingt dix pages sont un plaisir à lire, un petit bijou très simple et pourtant fascinant. C’est en refermant la dernière page que je regardai à nouveau la couverture qui m’avait jusqu’alors paru complexe et anecdotique, et tout à coup, je fus frappé dans l’ampleur de son sens et de ce qu’elle révèlait. Merci à la personne singulière me l’ayant prété, pour ces deux heures et quelques d’évasion pas si lointaine.