Crossbones Vs Blacksails.

« Two birds with one stone. »

Ces deux séries sur la piraterie ont fait leur apparition sur les écrans Américains à quelques mois d’intervalles au cours de l’année 2014. Une critique en comparaison semble donc de mise pour en comprendre notamment tous les tenants et aboutissants.

La première citée ici, créée par Neil Cross pour la NBC, chaîne publique, fut diffusée en Mai 2014 jusqu’en Aout 2014, pour dix épisodes. La seconde par Jon Steinberg et Robert Levine sur la chaîne payante Starz, diffusée à partir de Janvier 2014 jusqu’à aujourd’hui. La distinction faite entre ces deux chaînes a une pertinence quant à la continuité d’une série. En effet, bien qu’une chaîne publique aie les moyens de recourir à des subventions auprés d’un tiers, une chaîne payante posséde en soi plus de moyens et de soutiens pour subvenir à ses besoins de productions, fait qui semble avoir une relative importance dans les cas traités aujourd’hui.

Crossbones est basée sur le roman « The Republic of Pirates«  par Colin Woodard dont l’intrigue traite de la République des Corsaires (1706 – 1718). Une institution auto proclamée constituée d’anciens marchands, marins, corsaires en sécession de l’empire Birtannique, de l’abscence d’information et de soutien résultant de la fin des conflits rageant à cette époque avec l’Espagne et la France et des conditions de vie en mer comme dans les plantations. Devenus pirates, ils établirent dans le port de Nassau sur l’île de New Providence (Bahamas, Caraïbes) une république qui, sans être un état à proprement parlé, était tout de même soumis à un Code de Conduite, et dans laquelle le système de vote était utilisé pour élire et choisir son corps dirigeant. Faisant partie d’une des montée de l’âge d’or de la piraterie, elle fut cause de nombreuses vocations dans l’ancien comme le nouveau continent et le berceau de grands noms de la piraterie.

Parmi ceux ci, Edward « Black Beard » Teach qui est ici incarné par John Malkovich en tant que leader de cette principauté. Bien qu’historiquement indéterminé comme tel, Barbe Noire a été un pirate connu et craint durant ses quelques années de capitaine, il a eu une influence notable dans la région notamment à travers le blocus du port Charleston en Caroline du Sud. Il semble donc de prime abord pertinent et intéressant de placer cet homme à l’intelect qualifié de remarquable en tant que meneur de cette insitution et plus particulièrement sous la houlette d’un acteur ayant déjà fait ses preuves.

L’intrigue de la série se développe au départ sur un objet, le chronomètre marin qui permet de mesurer la longitude par rapport à la navigation céleste (l’utlisation de mesures d’angles entre diffèrents corps célestes et l’horizon visible.) et son créateur fictif Frederick Nightingale (Henry Hereford). Dans le même temps, un espion du nom de Tom Lowe (Richard Coyle) se faisant passer pour un chirurgien est chargé d’abattre le Commodore de Santa Campana, supposé être Barbe Noire. Tout deux à bord d’un navire attaqué par des pirates, ils se retrouvent rapidement au mains d’Edward.
Il est important de préciser que l’homme ainsi mis en scène est décédé en 1718, tandis qu’au cours de la série, le personnage est encore en vie en 1729. Ce choix scénaristique permet une opportunité de création, une liberté de faire vivre cette légende qui a passionnée bien des historiens et des lecteurs. Cependant, aussi inventif qu’ait pu être ce choix quant aux manipulations ingénieuses dont le personnage s’avère capable, il s’égare rapidement, et la série avec lui, dans des intrigues amoureuses bien trop ressassées pour être crédible, une folie causée par une maladie cérébrale rendant la présence du chirurgien/espion soudainement indispensable, des intrigues politiques et des choix personnels et moraux plus ou moins prévisible.
Tout au long de ces épisodes cousus d’un certain fil blanc, la surprise et l’intérêt s’efface doucement pour laisser place à une certaine déception quant à voir un personnage et acteur d’une telle stature tomber en désuétude. Le jeu n’est pas en cause ici, mais plutôt la direction d’acteur et les situations choisies. Loin d’être mal faite, bIen qu’à la hauteur des moyens investis en terme visuels et de décor, l’ensemble est au final assez terne, manquant du réalisme maritime de l’époque; le spectateur passant plus de temps à voir l’intrigue être ralentie par des discussions prémâchées qu’à être développée concrétement. Son annulation avant même la fin de la diffusion de la série n’est donc pas sureprenant mais tout de même regrettable quant au potentiel qu’elle pouvait avoir et développer par la suite avec éventuellement un autre héros.

L’un des aspects marquant d’une série, ce qui peut en faire sa marque et sa publicité, c’est son générique. Nombreuses sont celles qui se démarquent par la qualité autant visuelle que musicale de ce dernier (True Blood, Vikings, Six Feet Under, Rome, …). Black Sails fait partie de celles ci, Des images de maquettes, statues montrant des batailles, des navires, des visages, des corps accompagnés d’une musique entrâinante posent d’emblée les moyens et la qualité souhaitée pour ce programme.
On y suit le Capitaine Flint (Toby Stephens), personnage fictif crée par Robert Louis Stevenson dans son livre « l’Ïle au Trésor » (1881). Les évenements de la série sont supposés se passer 20 ans aprés ceux du livre, plaçant donc Flint dans un aspect éventuellement inexploré de l’histoire de Stevenson.
A travers l’influence grandissante en 1715 de New Providence et Nassau sur les activités marchandes britanniques, les membres connus de cette organisation sont qualifiés d’ ‘hostis humani generis » (ennemi du genre humain), les poussant ainsi eux mêmes à se déclarer en guerre comme le monde entier.
Le capitaine Flint est à la tête d’un équipage chargé de faire prospérer et défendre Nassau des diffèrentes entités légales voulant mettre un terme à son existence. A l’intelligence et discernement stratégique aiguisés, il s’impose très vite comme un personnage charismatique mais également profond à travers le développement de son histoire personnelle. Sans connaissance du passé du personnage de Stevenson, celui ci était anciennement un membre de la marine britannique, qu’il a fui lorsqu’incriminé pour certains de ces choix. L’un de ses buts, qui le servirait autant lui que Nassau que l’intrigue de Stevenson, est sa quête pour un trésor de la marine Espagnole : Urca de Lima.
D’autres personnalité fortes se manifestent tout au long de la première saison, Eleanor Guthrie (Hannah New) inventée pour l’occasion, Charles Vane (Zach McGovan),  Jack Rackham (Toby Schmitz), Anne Bonny (Clara Paget) tous des personnages ayant réellement existés qui ont vu leurs histoires forcément adaptées pour l’occasion. Chacun avec ses qualités comme défauts, ils participent à donner une profondeur et une teneur au développement de l’histoire et à la cohérence du scnéario. Et bien qu’adaptés, ils contribuent à renforcer l’aspect fortement réaliste de la série déjà bien mis en valeur par la qualité des costumes, des décors, des situations.
La nudité à la télévision américaine a toujours été source de débat, particulièrement depuis Game Of Thrones. Certaines chaînes peuvent se le permettre, d’autres non ou ne préférent pas. Cependant, étant un fervant admirateur du réalisme de la vie portée à l’écran, elle participe à rendre un programme plus palpable, auquel on peut s’identifier à travers notre propre expérience, sans pour autant être indispensable non plus, devenant rapidement un recours facile pour le plaisir des yeux. C’est simplement une plus value pour ce programme qui s’attache autant à montrer la réalité envisagée d’une époque et d’une population que l’on n’a pu connaitre mais qu’on perçoit plus ou moins de la même façon. D’autant plus qu’au fur et à mesure de son avancée, il ne montre pas simplement des corps dénudés, il fait étal d’une certaine humanité que ce soit par rapport aux abus perpétrés à l’encontre des femmes et à leur combat pour une place dans la société sans oublier l’importance des sentiments dans la vie.
La première saison nous avait laissés dans l’expectative quant à Flint et aux autres membres de son équipage, isolés sur une île, coincés entre la mer et un opposant de taille tandis que le pouvoir chancelle à Nassau. L’arrivée de la saison suivante en Janvier 2015 a tenue toutes les promesses posées en elle, et bien au delà même. Cette série fait excellement bien la part belle aux hommes et femmes de cette époque, tout en nous permettant d’entrevoir les enjeux économiques et géopolitiques de l’époque. Sans être un chef d’oeuvre, c’est un divertissement passionnant teinté d’humour gras comme subtil, de twists savoureux, de charisme et de qualité.

Peaky Blinders.

‘Personne par la guerre ne devient grand’Maître Yoda.

De tout temps qu’il y a eu des richesses de toute sorte et des hommes d’opinions et d’intérêts divers, la guerre a sévie. Causant son lot de perte et de fracas, profitant à certains, elle est source de grands changements, bouleversements. Que ce soit pour ceux impliqués dans le combat, ceux le subissant, ceux l’orchestrant, elle reste une indéniable fatalité aux conséquences incommensurables autant humainement qu’environnementales.

Dés le premier épisode de cette série britannique produite et diffusée par BBC Two, se situant quelques mois après le dénouement de la Première Guerre Mondiale, ces conséquences se font sentir chez la majorité des personnages en présence. A travers la conduite de Danny Whizz-Band (Samuel Edward-Cook) et Arthur Shelby (Paul Anderson), les cauchemars de Tommy Shelby (Cillian Murphy) et les mentions omniprésentes à la Somme, aux autres lieux de batailles dont sont revenus ces protagonistes sans oublier la tension politique d’après guerre, la dimension traumatisante des atrocités commises et subies sautent au regard du spectateur. Également, les services rendus au nom du Roi pour revenir chez soi sans réel gain des promesses annoncées et la place de celles et ceux n’ayant pas pris part au conflit s’en ressent fortement. La place des femmes par exemple est similaire à beaucoup de série de ce genre, celle de personnalités fortes et influentes cependant amoindries par la ténacité des hommes à vouloir incarner des instances décisionnelles comme pour assurer le peu de contrôle qu’ils peuvent encore avoir sur leur propre vie après tout ça.

En plus d’ancrer la situation dans son époque, le fait de suivre les membres d’une fratrie de trois générations différentes permet de voir l’impact de ces années de combat d’autant de façon différentes. John (Joe Cole), le jeunot, fait preuve de négligence et d’impulsivité ; Arthur, le plus âgé, se noie dans l’alcool et la violence tandis que Tommy y a perdu son sourire préférant focaliser son attention sur ses responsabilités familiales.

Les Peaky Blinders formait un gang qui a réellement existé à cette période. Ils arboraient en raison d’une lame de rasoir camouflée dans la visière (‘Peak‘ en anglais) de leurs bérets, et dont ils se servaient lors de bagarres pour aveugler leurs opposants. La première saison commence en introduisant la notoriété et l’influence de leur charismatique meneur Tommy, tout en décrivant sommairement la nature de leurs activités, à savoir les paris équestres. L’intelligence de ce dernier est très rapidement mise en valeur par l’importance accordée au symbole, à la perception de ses actes auprès des habitants de ce quartier de Birmingham.

Le départ de l’intrigue se fait en parallèle de l’arrivée du Chef inspecteur Chester Campbell (Sam Neil) en ville, anciennement en poste à Belfast pour nettoyer les poches naissantes de l’IRA, et les révélations de Freddie Thorne (Iddo Goldberg) faites à Tommy au sujet d’un dossier d’enquête ou leurs deux noms figurent. Il s’avère qu’en plus des paris, les Peaky Blinders s’adonnent également à des vols de cargaisons dans les entrepôts du port, et ils n’auraient jamais dû mettre les mains sur celle actuellement en leur possession. D’implication nationale, elle va attirer les foudres d’un certain Winston Churchill (Andy Nyman) sur la famille et le gang, que Tommy va bien avoir du mal à gérer.

De ce postulat de départ naît une série rafraîchissante quant à sa façon de développer son intrigue, ses personnages. Éloquente quant aux tenants et aboutissants de cette période d’après guerre, elle offre un portrait des années 1920 loin de la grandiloquence des rues d’Atlantic City vues dans Boardwalk Empire, et qui n’en est que plus juste étant centrée sur un quartier particulièrement populaire de Birmingham. Ces éléments en particulier font forcément penser à Sons of Anarchy dans l’importance accordée à la famille bien que jonglant entre illégalité et survie dans une localité ou le national vient s’immiscer. On y retrouve d’ailleurs Tommy Flanagan (Chibs).

Visuellement très travaillée, la réalisation irréprochable et l’ingéniosité des retournements de situations, sans oublier la qualité de jeu et le charisme des acteurs en font un programme intéressant, divertissant et captivant. La saison 2 a été diffusée en Novembre 2014 et de son début à sa toute fin continue dans la même lignée sans perdre en intensité. Une saison 3 a été commandée pour la fin 2015 !

Cyberbully.

‘Il n’y a pas de meilleure époque que la notre pour être en vie.’Donald Glover dans son one man show ‘Weirdo‘.

C’est un constat aisément qualifiable d’hypocrite de la part d’un occidental doté d’un confort et d’une aisance de vie incomparable à celle des pays ou règne les conflits et la pauvreté, ou les pertes s’empilent dans une indifférence remarquable.

Il devient donc envisageable de considérer le propre de l’homme comme étant enclin à peu se soucier de son prochain quand la sécurité de ses habitudes et comportements est entière, et encore plus lorsque celle ci est mise en danger. Après tout, on peut difficilement vivre pour autre que soi à plein temps.

C’est un constat cependant tout à fait juste de part la liberté dont nous jouissons « tous » globalement, notamment à travers l’expressivité infinie dont Internet nous abreuve chaque jour, avec ses excés inévitables.

C’est l’une des nombreuses thématiques abordées dans le téléfilm ‘Cyberbully‘ produit par la chaîne Britannique Channel 4. Un huit clos prenant place dans une chambre d’adolescente, à la lumière basse, aux murs garance chargés de bibelots décoratifs autant qu’affectifs. C’est à travers l’œil imparfait d’une webcam que l’on découvre Casey, incarnée par Maisie ‘Arya’ Williams. De quelques scénettes dispatchées sur pas loin de cinq cents minutes de contenu, là voici quasiment seule à l’écran pour une bonne heure et demie à donner du clavier plutôt que de l’épée.

Internet a depuis l’apparition des réseaux sociaux et des smartphones pris un essor inexorable. Son expansion a touché parmi les coins les plus reculés du monde et donné une voix globale à des dizaines de pays peinant à se faire entendre et à revendiquer leur existence. D’un autre coté, Internet a été un révélateur d’idées, d’opinions, un émulsifiant d’expressivité autant créatrice que destructrice. L’hyper-connectivité dont bénéficie un ensemble du monde, bien qu’à différents niveaux, est à double tranchant.

L’instantanéité du partage de contenu, des échanges, la facilité du clic comme relais d’information, comme moyen d’expression sont autant de failles potentiellement dangereuses que de bienfaits éventuels. La liberté de dire ce que l’on pense, ou simplement de dire ce qui vient, gratuitement pour amuser la galerie. C’est d’un simple tweet que démarre l’intrigue de ce téléfilm, abordant directement l’importance accordée aux mots lâchés, autant par le choix de ceux ci que par leur interprétation, sur la place publique et de leur impact sur le personnel.

‘Rien n’est vrai, tout est permis’Assassin’s Creed.

De ce credo, certains ont fait l’application. Internet est désormais source de buzz de ses propres créations. Invention humaine et économique, il va de soi qu’elle est imparfaite et mensongère. Il n’y a pas de sécurité absolue en matière de protection de contenu et de données personnelles. Tout comme il y a toujours eu des énergumènes pour contourner et aller au delà des limites et règles établies. A travers un habile chassé croisé, ces notions et leur développement dans l’histoire mettent l’accent sur la responsabilité incombant à chacun dans nos actes et paroles sur la toile, démontrant ainsi par la même occasion la difficulté d’assumer lorsque mis face à l’erreur de nos choix.

Sans en révéler plus, ce téléfilm englobe avec justesse comme excès les faiblesses actuelles de ce média. A travers son propos et ce jeune personnage à la maturité à construire est montrée l’ampleur que ces éléments de vie virtuelle peuvent avoir comme conséquences sur la vie réelle. Bien qu’étant romancés et accentués pour l’existence même du produit fini, ils n’en sont pas moins cohérents et percutants quant à la conscience et prudence nécessaire lors d’échanges sur la toile. Cette appellation seule devrait suffire à en envisager les ramifications.

Réalisé habilement et simplement, et ce malgré certains plans lourdement répétitifs, l’alternance du point de vue ‘webcam’ et ‘réalité’ renforce agréablement la mise en abyme de la situation proposée. La performance de Maisie Williams est saisissante pour le réalisme qu’elle offre à son personnage, ancré dans notre époque, sa peau d’adolescente errante, et assumant ses actes jusqu’à être contraint d’en admettre les failles. Qui plus est, autant à travers ce personnage féminin que celui de Jennifer Lin, l’accent est mis sur l’acharnement que peuvent subir et perpétrer les nouveaux arrivants dans cette génération connectée, et plus particulièrement celui dont sont victimes les femmes dans le dévoilement quasi systématique de leur intimité sur les réseaux.

De son introduction reflétant une réalité connue à la finalité de cette lutte étouffante ou se mêle le réel et le virtuel, la tension est palpable, l’atmosphère un brin malsaine et la portée pertinente. Il se fait la preuve irréfutable que rien ne vaut le réel.

http://www.letagparfait.com/fr/2015/01/21/emma-holten-sa-revanche-au-revenge-porn/