« It’s a person. A doctor pronounces her dead, not the news. » – The Newsroom.

(écrit le 09/01/2015; deux jours aprés les attentats perpétrés à l’encontre du journal satyrique Charlie Hebdo.)

« Le journalisme a une dimension sacrée. En tout cas pour moi. Quand il est fait avec intégrité et honnêteté.

Qu’il soit d’information, d’investigation, de revendication, de démonstration, d’instruction, à but satyrique, … Qu’il soit pratiqué par une radio locale, un journal national, une chaîne de télévision diffusée à l’internationale, …

Il peut être tout aussi sacré qu’un culte dans un lieu saint, s’en différenciant simplement par sa représentation, sa matérialité palpable, sa légitimité historique, son accessibilité. C’est un principe, une façon de vivre, voir, réfléchir, interpréter le monde au quotidien avec une importance semblable à celle de quelqu’un qui croit. Une preuve en est la quantité de journalistes tués ou kidnappés dans la pratique de leur métier avec pour seule volonté de rapporter et transmettre l’information. Tandis qu’une quantité effroyable d’atrocités ont été commises au nom d’un Dieu tout au long de l’histoire avec pour aucune autre finalité que la simple perte de vies humaines. C’est une vocation tout en étant un choix, là ou la religion peut être un héritage traditionnel à perpétuer ou une chimère d’illusions transmises à des fins néfastes.

Et aujourd’hui, c’est une dizaine de pratiquants de cette transmission de l’information qui ont péris sous les balles d’idiots se prétendant représentants d’une religion. Des hommes connus et reconnus qui excellaient dans leur capacité à tirer un sourire des informations les plus lourdes ou révoltantes à travers leurs crayons de dérision et d’ironie. Il n’étaient pas des politiques, des soldats, des débiles, des provocateurs. Simplement des hommes passionnés par leur envie de distraire et d’amuser en éduquant à grand renfort de sens percutant.

C’est une pratique qui a toujours existée sans forcément porter ce nom, sans forcément arborer la même intégrité et importance. Des crieurs de rue relayant les propos de messagers aux affiches placardées, des inventions de l’imprimerie, de la machine à écrire, de la radio, à la télévision et enfin à internet, tous ces éléments ont permis aux habitants d’un village, puis d’une ville et enfin du monde entier de savoir ce qui se passait autour d’eux comme loin de chez eux à travers la création de journaux, des agences de presses, des chaînes et sites d’information, …

Bien que l’humain ne fut pas toujours autant en nombre et connecté qu’il l’est aujourd’hui, il a toujours eu conscience de l’autre et de l’ailleurs. Pour cette simple raison que ce qui se passe prés comme loin de chez soi attise notre intérêt curieux et peut avoir une influence sur nos vies et notre quotidien. Un tailleur de pierre à Rome, un paysan au Moyen Age ou un esclave en Égypte n’avait pas forcément les moyens ou l’intérêt de savoir ce qu’il se passait dans les hautes sphères de son environnement, mais il ne pouvait pas y rester indifférent de par le simple fait qu’il croisait ne serais ce que son voisin et si il y a bien une chose que les gens font, c’est parler et à travers ça circule les faits.

Le journalisme est l’activité qui consiste à recueillir, vérifier ou commenter des faits pour les porter à l’attention du public dans les médias. C’est là le pouvoir de l’information, transmettre des faits tels qu’ils se sont déroulés dans la véracité de leur déroulement et avec le respect de sources vérifiées, de leur identité, les rapportant dans le cadre du journalisme. Il est l’étendard d’une liberté rudement acquise face à la censure et la propagande. Il constitue un droit inaliénable et fondamental de l’expression populaire. Il a la capacité de dire et montrer ce qu’on n’ose énoncer et regarder, ce qu’on n’entend ou ne voit pas.

Cependant, depuis la globalisation de la toile et de ses réseaux a été constatée une perte de crédibilité notable dans l’ensemble du journalisme. Des phénomènes de modes, des flux, de l’ingérence, la quête de l’effervescence de clics pour faire parler de soi et avoir le plus de représentation, de présence sur tous les médias possibles sont autant de tendances qui ternissent la pertinence du journalisme dans son sens strict, ainsi que le travail de ceux qui s’attèlent à lui rendre honneur. La nécessité de suivre le mouvement dicté par l’évolution des temps, des technologies et des médias obligent de s’y plier, mais il n’y a pas d’obligations à recourir à la médiocrité de masse.
Depuis l’incident, des fils d’actualités live sur différents sites et chaînes retranscrivent l’évolution de l’enquête, le déroulement de la traque. Par chance, l’un d’entre eux a la décence de dire qu’ils ne sont pas en mesure de confirmer telle ou telle information par absence de confirmation officielle ou de recoupement, là ou d’autres ne s’embarrassent vraisemblablement pas de telles considérations, au risque de devoir se contredire volontairement par la suite.

Il est donc atroce aujourd’hui de constater ce triste événement, cette perte d’une rareté de la presse française, de ces « icônes » désormais éternelles dans le conscient des gens.

Il est effrayant d’envisager l’impact des conséquences de ces idiots isolés sur toute une population pratiquante majoritairement pacifique et modérée dors et déjà stigmatisée par ces « martyrs » meurtriers et par la médiocrité des rachats politiques de la désinformation extrême qui s’amusent déjà à parler de ‘guerre déclarée’. Il suffisait juste que ces mots soient lâchés pour que « l’unité nationale » prônée par nos dirigeants soit anéantie par les volontés isolées de quelques personnes à l’éducation flouée. Et ça a déjà commencé.

Il est fatiguant de lire des commentaires à la stupidité indéniable stipulant que tout ceci était mérité, alimentant ainsi la plus malsaine des haines, ou des prophètes omniscients adeptes de répandre leurs avertissements passés de théories complotistes et de se vanter de la connaissance qu’une telle chose allait, devait arriver.

Il est heureux de voir tant de solidarité et de rassemblements autour de ces disparitions, cause d’une violence inouïe. Des dizaines de milliers de personnes se regroupant dans la rue, stylo brandi, pour transmettre un message plus fort que tous les calibres. Que les dessins représentants le Prophète Mohammed soient massivement partagés en pieds de nez à cette interdiction inventée.

Il est triste de constater cette mode hypocrite consistant à se donner une image à la portée symbolique faiblarde, autant que ça puisse être dans l’ère du temps, plutôt que de donner de soi et de ses mots. Comme pour se coller une étiquette de bonne conscience éphémère. Ça en est même scandaleux quand ça devient un mot d’ordre d’afficher son soutien sous peine d’être un pariât ou une occasion de se faire de l’argent.

Il faut rester prudent, intègre, courageux et honnête envers soi et les faits. Il faut garder son identité et savoir se taire face à tous ces éléments dont on ne sait que peu de choses. Ce n’est pas parce qu’il y a milles plateformes pour s’exprimer qu’on doit forcément le faire. Il y a de la dignité à garder le silence, à se faire sa propre idée de la chose en sachant s’informer.

C’est arrivé dans notre capitale cette fois ci et c’est extrêmement choquant, auprès d’un journal sensationnel dans la portée de ses publications, cause de louanges comme autant de critiques.

Ca arrive partout dans le monde quotidiennement et c’est tout aussi important.

Je suis moi, et personne d’autre. Pas un fan invétéré du journal, ni un lecteur assidû. Simplement quelqu’un qui déplore la cible de cet événement et cette perte pour le journalisme. Chacun est libre de porter cela comme il l’entends, la liberté d’expression étant là pour ça. Il est cependant indispensable de garder son identité et sa capacité de réflexion dans de tels moments. Je fais mon deuil loin de la foule grouillante et de ses écarts, mes pensées étant là ou elles doivent être, le cœur vif et brûlant. Mais je dois déplorer qu’à bien des égards, la nature de l’être humain, du peuple français qui se révèle ces jours ci s’avère cause de dégoût ulcérant. Nous vivons une bien triste époque. »

Laisser un commentaire